Encore un article au parfum théâtral pour décrire une année apicole qui se termine avec ses moments de stress et de
bonheur.
Pas de mortalité hivernale au rucher mais les échos de la
détresse de nombreux apiculteurs avec des pertes très importantes de colonies.
Nous avons été très près de l’hécatombe, n’ayant pas soupesé
en 2017 le niveau d’infestation du varroa destructor et nous avons donc été
présent pour le comptage (*) du varroa et l’anticipation avec l’approvisionnement
d’une nouveau médicament, utilisable en cours de saison avec une AMM
(autorisation de mise sur le marché) compatible avec une conduite BIO du rucher mais dont nous n’avons heureusement pas eu besoin cette
année.
Contrairement à ce que nous avions craint, notre traitement d’automne
conventionnel après récolte a été cette fois encore d’une efficacité
redoutable.
Il n’est plus permis de faire l’économie d’une surveillance
constante de l’état sanitaire des ruchers et de confier ses colonies au soin de
la Providence ou des remèdes ésotériques.
Pourtant des
apiculteurs expérimentés ont perdus jusqu’à 80 % de leurs colonies et nous
savons qu’à cet égard nous n’avons aucun mérite ni compétence particulière. A
ce jeu de roulette russe, nos ruchers seront-ils les suivant sur la liste du
grand ménage darwinien ?
Une race d’abeille de « compétition » (**) quasiment
sous copyright, s’impose dans les ruchers et les élevages, pour deux colonies
chez un particulier ou des centaines de clones chez les professionnels.
Pourtant n’est-il pas admis à l’aune de la recherche d’une
forme de productivisme apicole qu’une trop forte sélectivité peut entrainer des
risques d’inadaptation des espèces trop sélectionnées ?
Ces diverses interrogations nous ont fait comprendre, non
pas l’exemplarité de notre relation aux abeilles, mais notre particularisme
vis-à-vis des multitudes d’expériences que nous aurions pu souhaités avoir et
que de facto nous avons rejetés intuitivement. Nous sommes au service d’un
équilibre fragile et en sollicitant un peu de chance, nous préférons faire
confiance à nos colonies.
D’ailleurs ce ne sont pas Nos colonies et pour reprendre le
fil de la narration de notre année apicole, il devient patent que nous n’en
sommes que les serviteurs, quand à la période de l’essaimage on observe à
nouveau que des essaims manifestement étrangers à nos ruchers viennent en
encombrer les abords. Cet instinct grégaire nous a fait mettre en boite des
abeilles minuscules mais douces et avides d’investir la ruchette proposée et de
féroces descendantes de souches anciennement sélectionnées puis abâtardies dans
l’agressivité, plus soucieuses de
bénéficier de la diversité génétique du rucher pour ses futures reines que de
se laisser domestiquer.
En contre-point nous espérons et savons que les nombreux
essaims qui ont pris la poudre d’escampette depuis nos ruchers auront trouvés
des foyers d’adoption auprès des nombreux apiculteurs désemparés devant les
ruches vidées à la sortie de l’hiver. A charge pour eux de satisfaire à la
première obligation d’un apiculteur et dont nous parlerons dans notre Charte du
Rucher : être responsable vis-à-vis du sanitaire collectif.
Tout ce petit monde, profitant de conditions météorologiques
presque convenables, a eu tôt fait de produire du miel en quantité
« normale » et varié. Le problème d’une production
« normale » faisant suite à une longue série d’années de
désappointement se révèle quand il faut stocker le miel produit.
Les ruchers épargnés par la surmortalité et dont les
effectifs ont mécaniquement suivi à la hausse pendant six ans la baisse de
rendement à la ruche ont produit trop de miel. C’est une des leçons amères de
l’année pour beaucoup de professionnels qui vendent en fût aux quelques
conditionneurs bien connus qui ont pris goût au miel d’importation plus ou
moins tracé mais toujours moins cher à produire qu’un miel français.
Aux apiculteurs et conditionneurs, il incombe donc aussi de
satisfaire à l’exigence d’une traçabilité économique et sociale pour savoir qui
produit quoi et comment (La deuxième obligation de notre Charte du Rucher…)
D’ailleurs nous avions suggéré en début d’année à nos
colonies de faire un petit effort pour supporter la taxe à la valeur ajoutée,
l’augmentation prévisible de la MSA et l’imposition du « bénéfice »
micro-agricole et ont a été reçus cinq sur cinq ! Enfin une belle année
ponctuée en plus avec un miel d’acacia
d’anthologie !
Le Rucher de la
Rillonnière est ainsi devenu, à son corps défendant, un « acteur
économique » et à ce titre soumis à des aléas de mauvaise gestion !
Sous cette forme de plaisanterie se cache en réalité un
accident industriel qui témoigne de la technicité qui doit être à l’œuvre pour
la conduite des colonies sur ruches à cadre Dadant. Six années de récoltes
médiocres ont ainsi eu pour corollaire la raréfaction de la cire d’abeille qui
participe à la gestion sanitaire et technique des colonies. Nous avons commis
l’erreur d’approvisionner de la cire d’une provenance douteuse si ne n’est de
Cuba, où comme chacun sait ; « l’embargo ne permet pas de saupoudrer
dans les champs les cochonneries chimiques produites en occident ».
![]() |
Promis, vous n'aurez plus de cubaine ! |
Le problème du rétropédalage n’est pas encore totalement
résolu alors qu’il est apparu que plus de la moitié de nos colonies légèrement xénophobes n’ont pas voulu travailler et
construire convenablement sur cette cire d’importation : le drame du BIO
dans la mondialisation avec 5.000 km au compteur.
Donc l’hiver2018- 2019 nous verra faire fondre notre propre
réserve de cire, patiemment accumulée, le temps que la situation s’assainisse,
tout en admettant que nous avons participé à la pénurie avec la
thésaurisation de nos lingots de cire!
Notre dernier bulletin nous voyait désemparés devant la
faiblesse de la production de tournesol. Cette année encore, les abeilles
auront consommé le miel de forêt pour leur travail de pollinisation, mais nous
l’auront rendu en poids de tournesol. Par contre nous avons été émerveillés par
leur travail sur un champ de tournesol où nous avions été invités par un
agriculteur Bee-Friendly. Quelle
merveilleux spectacle que de voir
l’activité de butinage sur les fleurs de tournesol envahies par nos protégées
alors que la veille de la transhumance seuls quelques bourdons étaient à
l’ouvrage !.
C’est là que nous mesurons vraiment en tant qu’apiculteur notre impact vis-à-vis de notre environnement. Nous savons, ainsi que notre agriculteur, la valeur inestimable que les abeilles concourent à produire dans notre environnement commun et même si nous le classons en troisième position dans la philosophie qui animera les points clés de notre Charte du Rucher, nous sommes conscient de notre responsabilité, même si elle n’est pas valorisée financièrement.
![]() |
Corvée d'eau - canicule 2018 |
C’est là que nous mesurons vraiment en tant qu’apiculteur notre impact vis-à-vis de notre environnement. Nous savons, ainsi que notre agriculteur, la valeur inestimable que les abeilles concourent à produire dans notre environnement commun et même si nous le classons en troisième position dans la philosophie qui animera les points clés de notre Charte du Rucher, nous sommes conscient de notre responsabilité, même si elle n’est pas valorisée financièrement.
La persistance d’arrières saisons sèches en continuité des canicules
estivales nous fait toujours douter de la capacité des colonies à construire
des réserves et maintenir une population adaptée à l’hivernage : les
abeilles d’hiver perdent trop d’énergie en dehors de la ruche pour un maigre
butin. Du moins jusqu’à ce que les attaques de frelons asiatiques tendent vers
leur maximum. A partir d’un certain seuil de prédation, c’est la prostration
sur la planche d’envol à un niveau que nous n’avions pas encore expérimenté. Nous avons observé que nos colonies dans un
rucher au moins, attendais que nous ayons tué suffisamment de frelons
asiatiques (on appelle cela « calmer le jeu ») pour sortir en masse
de la ruche pour le vol de propreté dans une ambiance similaire à celui d’un
essaimage (à l’attention de ceux qui ont fréquenté des ruches au
printemps pendant la dite période !). Avec Nathalie, nous en
déduisons que nos colonies ont besoin de papa et maman pour aller faire
popo !
![]() |
Corvée de frelon asiatique sur un rucher d'hivernage |
Nous planifions de revoir nos pratiques en relation avec ce
stress de fin de saison en limitant l’usage de nos ruchers sédentaires. Cela
induira nécessairement de déménager les ruchers dès la miellée de printemps car
notre rucher historique à la Rillonnière était au final lui-même la cible d’un
nid de frelon asiatique, bien caché à moins de cinquante mètres des ruches, au
sommet de l’érable à proximité (sans
compter d’autres nids qui avait eu le temps de « trianguler » notre
rucher).
2018 est donc une année de transition pour la pérennité de la filière apicole dans son ensemble car beaucoup d’apiculteurs de loisirs auront baissé les bras. En réalité dans ce jeu de massacre de Darwin et du Hasard, le seul moyen d’avoir envie de continuer, c’est de soustraire Darwin et de le remplacer par l’Amour pour nos abeilles.
2018 est donc une année de transition pour la pérennité de la filière apicole dans son ensemble car beaucoup d’apiculteurs de loisirs auront baissé les bras. En réalité dans ce jeu de massacre de Darwin et du Hasard, le seul moyen d’avoir envie de continuer, c’est de soustraire Darwin et de le remplacer par l’Amour pour nos abeilles.
* Comptage du varroa : Nous utilisons des planchers
Nicot 100 % aéré ce qui permet de positionner un lange graissé pendant 24 H
dans les rails sous le plancher. Nous procédons ainsi à un comptage des varroas
qui tombent naturellement, si possible avant que les fourmis ne les
évacuent !
Des normes construites par des apiculteurs au cours de
longues expérimentations permettent de lire le niveau de parasitage des
colonies. Il n’est pas sérieux de maudire la terre entière si la pression du
varroa n’est pas mesurée.
** Buckfast ou Frère Adam : Douceur et productivité,
mais aussi « pompes à sirop industriel» en cas de disette alimentaire
dans l’environnement selon certains collègues. (https://fr.wikipedia.org/wiki/Buckfast
)